2009-2019
Aquarelle, types de papier et formats divers.
Quelques tessons trouvés en remuant la terre du jardin ont initié cette série. D’autres fragments de faïence de Nevers sont des prêts de différents collectionneurs. Les tessons sont représentés à taille réelle.
Tessons



Qu’est-ce qu’un tesson ? Le résultat d’une obscure digestion.
Ironie de leur destin : initialement pièce de vaisselle ou objet décoratif, après des séjours plus ou moins longs sur les tables, aux murs, dans des meubles ou à peine sortis des mains de l’artisan, ils ont été rendus à la terre matricielle, mais ne peuvent se résoudre à s’y perdre tout à fait.
Moitié par esprit de résistance, moitié par nostalgie.
La terre cuite persiste dans son être et objecte à se dissoudre dans le giron maternel. Cette insubordination se paye au prix fort : une fragmentation définitive qui pour la dessinatrice est une invitation à composer.
Polymorphes, polychromes, d’une irrégularité maladive, ces débris pour la plupart produits par l’industrie pré-capitaliste de la faïence de Nevers sont voués à ne plus recouvrer leur intégrité.
L’inventaire infini des brisures entamé par Anne-Marie Faucon raconte des histoires oubliées : devenir bol, assiette, pot, tasse peut-être.
La vie dissolue des tessons met à nu la vaine passion humaine des réceptacles. Désormais, plus rien ne s’y dépose sinon les signes du temps. Le temps : cet enfant espiègle - disait un ancien philosophe - et manifestement maladroit.
Il ne reste qu’à écrire une brève grammaire de ces désastres faïenciers : brisures rognées ou grignotées, brisures en biseaux, avec éclat partiel du vernis, avec décor ou sans. Insidieuse ligne de partage entre le lisse et le coupant.
Les tessons nous ressemblent. Ils cherchent éperdument à s’assembler.